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A propos du dŽpart en retraite de Marie-Franoise Cappelli

Collge Marlioz le 4 Juillet 1995

 

C'est ˆ Daniel Bret qu'il avait ŽtŽ demandŽ de commencer. Voici son texte qui fut prŽsentŽ sous la forme d'un petit livre

 

Le petit livre rouge de Marie-Franoise Cappelli

 

 

 

Marie-Franoise Cappelli est un peu ˆ part dans notre monde et celui des Žlves puisquĠelle a son domaine privilŽgiŽ, quĠelle a dŽfendu et construit patiemment et avec obstination : le CDIÉ

 

Marie-Franoise ! On mĠa demandŽ si je voulais faire ce discours de fin dĠannŽe, discours destinŽ ˆ te rendre hommage et si possible de manire amusanteÉ Brigitte, ton auxiliaire de cette annŽe mĠa dit : Òtu ne vas pas nous faire pleurerÉÓ. Bref, jĠai rŽpondu ÒouiÓ sans hŽsiter, sans rŽflŽchir mme, car finalement cĠest une t‰che pleine dĠembžches avec quelquĠun quĠon aime bien et quĠil faut aussi mettre un peu en boiteÉ de prendre la parole pour lui dire au revoir dĠune manire marrante. JĠai rŽpondu ÒouiÓ car tu es sans doute une des personnes avec laquelle jĠai eu grand plaisir ˆ travailler en Žquipe, jĠai rŽpondu ÒouiÓ car tu sais aussi partager tes satisfactions avec les gens qui tĠentourent. On parlera plus loin des insatisfactionsÉ

 

Je me suis ensuite posŽ la question de la forme de ce discours bien particulier. 

 

Allais-je mĠamuser ˆ le faire ˆ la manire de Georges Perec et de lĠOulipo, disant par exemple un texte sans un seul mot fŽminin, ou sans utiliser une des lettres de lĠalphabetÉ ce sont lˆ des contraintes crŽatives diront certains !

 

Allais-je mĠamuser ˆ utiliser les citations propres au monde universitaire ? Faisant appel ˆ Shakespeare, PŽricls, Aristote ou bien plus rŽcemment, Albert Jacquart, Gilles Degne ou le pŽdagogue que nous connaissons tous Philippe Meirieu, ou pourquoi pas des citations de Philippe Pachy, Georges Cambres ou Elisabeth CohenÉ

 

Allais-je enfin attaquer cette rŽflexion amicale sous lĠangle marxiste, cherchant la dialectique matŽrialiste entre les contraintes Žconomiques et les pressions idŽalistes, ou encore sous lĠangle psychanalytique, me demandant quelle enfance tu avais eu pouvant expliquer pourquoi ton moi restait dans le domaine de lĠimaginaire et pouvait ainsi tre transcendŽ par la rŽalitŽ de lĠŽducation nationale,

 

jĠai finalement choisi lĠapproche savoyarde qui sait se promener au fil des sentiers de la pensŽe parcourant les vallons fleuris pour arriver aux sommets enneigŽsÉ (ne me demandez pas ce que a veut direÉ) et jĠai fait appel ˆ ma pŽriode soixante-huitarde pour les citations avec deux petits livres rougesÉ de la mme Žpoque. Notez que je les ai choisis surtout ˆ cause de leur format pratiqueÉ

 

Marie-Franoise, tu es pleine de modestie, de discrŽtionÉ si on ne te marche pas trop sur les pieds, sĠentend. Alors permets-moi de lever le voile et de rappeler ton parcours dans la grande maison de lĠŽducation nationale que, comme un bon nombre dĠentre nous, tu ne sembles avoir jamais quittŽe. JĠai donc essayŽ de mieux te conna”tre.

 

Comme le dit le PrŽsident Mao ÒlĠenqute est comparable ˆ une longue gestationÓ (discours du 1 juillet 1939)

 

Tu es nŽe ˆ Versailles, en 1935. Ton pre, IngŽnieur des travaux publics travaille pour la ville de Paris, ta mre sĠoccupe de toi et de ton frre un peu plus jeune. Tu vas ˆ lĠŽcole ˆ Meudon, puis au lycŽe Camille Say ˆ Paris. Lˆ tu rŽussis bien, tu passes ton baccalaurŽat en 1952-53 ˆ Paris et ta rencontre avec avec une dame, professeur de sciences naturelles en terminale, trs convaincante, te lance ˆ lĠassaut de cette discipline. Tu obtiens ta licence en 1959, ayant semble-t-il en cours de route, exercŽ comme Surveillante dĠexternat au lycŽe de jeunes filles de Versailles de 1957 ˆ 1958. Tu dŽcouvres cependant que tu es plus attirŽe par la littŽrature que par les sciences.

 

Tu dŽcouvres aussi que le charmant jeune homme que tu as rencontrŽ un jour de 1953 dans le mŽtro et qui faisait SPCN comme toi pourrait bien faire un mari ˆ ta convenance (SPCN pour les jeunesÉ a voulait dire, je crois, Sciences Physiques, Chimie et Naturelles). Vous dŽcidez donc de vous marier en 1958 ˆ une Žpoque o les choses sont loin dĠtre simples. Georges Cappelli, Éest-ce que tous les profs de Sciences Nat sĠappellent Georges ? É Georges Cappelli, donc doit partir en AlgŽrie o il fera 28 mois avec une seule permission pour toute cette pŽriode. Son retour en 1961 o tu lĠattends lorsquĠil descend dĠavion sera un des plus beaux moments de sa vie.

 

Pendant ce temps tu as exercŽ comme professeur adjoint dĠenseignement, faisant mme des maths, ou est-ce une erreur ? dans ce mme lycŽe de Versailles, jusquĠen 1960. Tu passes alors une annŽe au LycŽe de Saint-Cloud pour te retrouver en 1961 au lycŽe Vaugelas de ChambŽry en compagnie de ton Žpoux, nommŽ en province et avec quelque espoir de revenir sur Paris.

 

En 1962, tu as alors autour de 27 printemps, tu te mets en congŽ pendant sept ans et tu as tes deux enfants, HŽlne, lĠa”nŽe, cette mme annŽe de 1962, et Christophe, en 1964. Ces deux jeunes vont bien rŽussir puisque HŽlne est kinŽ ˆ Vences et mre de deux charmants bambins : Nicolas qui a six ans et Sophie, 3 ans. Christophe, lui, est ingŽnieur en gŽnie mŽcanique ˆ la Seyne sur mer.

 

Tu vas reprendre du service en 1969, au LycŽe Vaugelas, puis au collge de C™te Rousse en 1973 ou tout dĠun coup, presquĠen fin de carrire, tu bifurques vers la documentation et deviens documentaliste dans le mme collge, avant de rejoindre ton poste actuel au Collge Marlioz en Septembre 1984. Tu as trouvŽ la voie dans laquelle tu pourras donner toute ta mesure.

 

Et comme le dit le PrŽsident Mao : ÒNous devons apprendre ˆ examiner les questions sous tous leurs aspects, ˆ voir non seulement la face mais aussi le revers des choses et des phŽnomnesÓ. Discours du 3 Juillet 1935.

 

Dans ce collge aixois tu vas vivre la folie marliozienneÉ avec la mise en place de la bibliothque-Cdi dans les anciens locaux, o je te revois encore alignant un ˆ un les livres pas si nombreux que a sur des rayons tout neufs, obtenus non sans mal, te faisant aider des Žlves et discutant avec tes collgues de tes projets dĠamŽnagement et de fonctionnement. Tu rŽalises un projet sur lequel nous nous sommes battus depuis 1971 et je me souviens, Žtant membre du Conseil dĠadministration de lĠŽpoque, avoir plaidŽ pour ce genre dĠŽquipement et la crŽation du poste correspondant. Certains diront que cĠest pour a que a a mis tant de temps. Mais ce sont des mauvaises langues !

 

Trs vite on se rend compte que mme si tu rechignes parfoisÉ chacun son caractreÉ on peut compter sur toi et sur tes poulains du club lecture. Club lecture que tu viens de crŽer. CĠest toi qui va nous enregistrer toutes les bandes audio dont nous avons besoin pour lĠenseignement des langues et tu te dŽbrouilles toujours pour satisfaire des collgues exigeantsÉ sans parler des exigeantesÉ et qui aimeraient ds le dŽbut dĠannŽe avoir les vingt bandes de leur collection, alors que tu viens de recevoir les originales et que les dernires de la collection ne serviront pas avant la fin de lĠannŽe. Avec les profs dĠanglais tu dois tĠattendre ˆ tout !  En tous cas, tu mĠenlves ainsi une sacrŽe charge, car avant que tu le fasses tu peux deviner qui Žtait venu au collge le samedi ou le dimanche pour a. Et mme tu tĠintŽresses ˆ lĠanglais : on te verra apprendre cette langue Žtrangre pendant tes moments de libertŽÉ Je pourrais donc continuer en anglais pour voir ce que tu peux ÒcapterÓ comme disent mes Žlves de quatrime.

Mais vous prŽferez sans doute mon accent franais en franaisÉ

 

Tu vas aussi devoir gŽrer, avec le nouveau collge une structure de salle qui nĠest pas facile. Les enfants sont rŽpartis dans les coins de la salle et mme dans certains cas dans les salles contigŸes et obtenir un peu de silence est une gageure. Pourtant un grand nombre de jeunes bŽnŽficieront du CDI soit avec leurs professeurs, soit individuellement si leur comportement est correct. Gare ˆ celui ou celle qui se fait remarquer pour mauvaise conduite ! Il aura du mal ˆ revenir au royaume de la documentation !

 

Mais ta plus belle action, ˆ mes yeux, sera ton club lecture. Dans lĠancien collge, tu organises avec des coussins, trs orientaux, une sorte de local tranquille o les jeunes viennent entre midi et deux parler de livres avec toi. Lors du transfert dans nos nouveaux locaux, tu conserveras cette activitŽ qui va tre en compŽtition avec le Club Journal que je lancerai ˆ la mme Žpoque. Une collaboration fructueuse va cependant sĠinstaller car ÒAix-librisÓ vient complŽter ton rayonnement. CĠest ˆ partir du numŽro trois quĠune collaboration rŽgulire va sĠinstaller : SŽverine Pouzet (qui vient de passer son bac cette annŽe), Dan LŽvy, Emmanuelle Dequit, NadŽge Marchaut sont lˆ pour en tŽmoigner.  Tu as alors 26 inscrits. On est agrŽablement surpris par la qualitŽ de la rŽflexion de ces jeunes sur leurs lectures et on la retrouvera au fil des ans. En 1991, le club Žvolue encore et Sonia Provent raconte comment SŽverine et elle animent un groupe, tandis que tu vas dĠun groupe ˆ un autre pour donner quelque conseil. MŽlanie GlŽnat qui est alors en sixime nous dit : ÒJe suis une toute nouvelle recrueÉ ce club me permet de partager mon gožt pour la lecture, de discuter sur des livres qui mĠont particulirement plu. JĠai pu dŽcouvrir des romans dont je ne souponnais pas lĠexistence. JĠai dŽcelŽ un autre aspect de la lecture, celui du dialogue, des ŽchangesÉÓ. Et dans le mme numŽro, voici Guillaume de cinquime qui prŽsente ÒLes Champs dĠhonneurÓ Prix Goncourt. ‚a va trs fortÉ En fin dĠannŽe, tu fais une petite fte du Club lecture ˆ laquelle tu invites les collgues qui ont montrŽ quelque intŽrt et les enfants Žtablissent un palmars. Meilleurs lecteurs, meilleurs conteurs, meilleurs illustrateurs et mme un prix de la bonne humeur qui ira ˆ Myriam Fregonese. En 1992, on introduira le dessin des souris de bibliothque un peu comme un logo pour le club et en septembre Aix-libris prend une nouvelle direction et le club lecture continue ˆ faire profiter les lecteurs de ses coups de cÏurÉ

 

Par contre, ce que tu ne sais pas vraiment encore cĠest que sous les pressions combinŽes dĠun prof dĠanglais, un professeur, comme tu dis plut™t. Avez-vous remarquŽ cela ? Marie-Franoise refuse de banaliser le r™le du profÉ mme dans les conversations courantes. Bref, sous les pressions de Monsieur le Principal, de Monsieur le Principal adjoint et dĠun certain professeurÉ qui ont les anciennes machines du Club Journal ˆ utiliser, je dirai presque ˆ te ÒrefourguerÓ, tu vas partir pour un voyage que je trouve assez extraordinaireÉ un voyage au cÏur de lĠinformatique.

 

Alors que tu sembles assez inquite en gŽnŽral par rapport aux choses nouvellesÉ on voit ton regard se poser sur ton interlocuteur avec une certaine dŽfiance, tu es aussi, finalement, prte ˆ essayer les choses nouvelles. Ce sera ainsi la coopŽration avec ces dames quĠon appelle CES. Pas toujours la joie, on tĠa vu stressŽe au moins dans un cas, mais aussi dĠexcellents compagnonnage, soit avec Brigitte cette annŽe ou en particulier avec Simone en 1993, Simone qui, malgrŽ des difficultŽs personnelles tĠa apportŽ une aide superbe  pour ce voyageÉ

 

Il faut dire que le parcours informatique Žtait loin dĠtre Žvident. DĠun c™tŽ tu te disais quĠil fallait essayer, mais cĠŽtait vraiment lĠaventure. Tu savais ce que tu voulais, mais tu apprŽhendais une expŽrience, un expŽrimentation sans lendemain comme on en voit trop souvent dans lĠŽducation nationale. Tu avais sans doute aussi un peu conscience de la somme de travail quĠil allait falloir fournir pour que a marcheÉ et puis tes collgues grenobloises te dŽconseillaient de partir avec ces machines qui Žtaient diffŽrentes des leurs, mme si elles Žtaient plus performantesÉ ‚a a bien failli sĠarrter lˆ dĠailleurs. Puis finalement, ˆ ton corps dŽfendant on a dŽmarrŽ. Analyse de ton projet, mise en place du logiciel, mise en rŽseau. Et petit ˆ petit, avec lĠaide de Simone et lĠapprentissage se faisant, cĠest toi qui est venu demander des complŽments pour des applications plus prŽcises, et mme encore rŽcemment tu mĠas relancŽ pour que nous mettions en place lĠimprimante dont nous disposions pour que les Žlves puissent imprimer des textes. Il est dĠailleurs amusant de penser que cĠest la premire imprimante qui soit entrŽe dans le collge en 1983 avec le premier ordinateur Apple 2, qui serve encore sans problme pour les Žlves alors quĠon nĠarrive pas ˆ en avoir une qui marche en salle des profsÉ

 

Tu as fait alors mon admiration, pour tout ce parcours pas toujours facile, o il te fallait ma”triser ces techniques nouvelles pourtant si pratiques pour un CDI. Mais tes apprŽhensions sont toujours prtes ˆ resurgir : tu tĠinquites pour ton successeurÉ comment va-t-il ou elle sĠen sortir ? Aprs tout, tu pourrais rester encore quelque temps avec nous. Tu pourrais venir lĠaider et puis suivre quelques cours dĠanglais et dĠinformatique pour passer le temps. Tu pourrais aussi venir casser la crožte entre midi et deux avec Maryse, Maryvonne, Marie-LouiseÉ avec toi Marie-Franoise vous serez  comme les trois mousquetaires qui sont toujours quatre.

 

JĠimagine cependant que cĠest le contact avec les jeunes qui te manquera aussi, mais jĠai cru comprendre que Nicolas et Sophie pourront  bient™t former le noyau du club lecture familialÉ alors nous te souhaitons une longue retraite, une bonne santŽ, beaucoup de temps pour lire et tĠoccuper de tes bambins. Et il y a tant de choses ˆ faireÉ je repense ˆ cette visite de lĠexposition du musŽe de ChambŽry, voici un domaine o tu as un compagnon superÉ

 

Viens aussi nous voir de temps ˆ autre si tu en as le tempsÉ et lĠenvie. ‚a me fera, a nous fera plaisirÉ

 

Daniel Bret

le 4 Juillet 1995

 

 

 

Marie-Franoise Capelli rŽpondra assez brivement

 

Je suis vraiment touchŽe par ce joli cadeau. Je vous remercie tous du fond du cÏur. Tout d'abord je remercie Monsieur le Principal pour la libertŽ qu'il m'a donnŽe pour gŽrer le CDI. Je remercie Monsieur Millet qui s'est toujours intŽressŽ ˆ mon travail. Je remercie aussi toute l'administration et les C.E.S. (Simone et Brigitte) qui m'ont assistŽ, ainsi que Daniel Bret.

 

Je remercie bien sžr tous les professeurs avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir ˆ travailler et tous ceux qui m'ont supportŽe.

 

Je me suis plu dans ce C.D.I. donnant sur les champs et j'espre avoir donnŽ envie de lire ˆ quelques ŽlvesÉ

 

A vous tous qui continuez, je souhaite beaucoup de courage et je vous dis encore merciÉ